Casque sur les yeux, joysticks dans les mains, des détenus du centre de Mauzac préparent leur titre professionnel de mécanicien automobile grâce à la réalité virtuelle. Ce serait une première en France. « Immersif Auto », un dispositif test créé par l’association A.P.E.S. 24, un organisme de formation pour l’insertion des publics en difficulté basé à Coulounieix-Chamiers, qui travaille régulièrement avec le centre de détention. L’idée de formation en VR (Virtual Reality) est venue pendant le confinement et pour répondre à plusieurs problématiques.
“On cherche à être plus attractif dans le cadre de la formation professionnelle. Aujourd’hui la formation ça faisait penser à l’école. Pour les publics les plus en difficulté, ce n’est pas attractif. La réalité virtuelle, c’est nouveau. On a envie de voir, de découvrir. Donc là, c’est vraiment une plus-value. Après, un centre de détention, ça reste un site spécifique. Vous ne pouvez pas faire tout ce que vous voulez en termes de sécurité. Le fait d’implanter une formation mécanique automobile aurait voulu dire aménager des locaux, aménager un site technique et ça, ce n’était pas possible, donc là, l’idée, c’est qu’on a besoin d’une salle de cours tout simplement.” Aurore Debordeaux – directrice A.P.E.S 24
Il a tout de même fallu développer le logiciel, de A à Z et puis acheter le matériel informatique. Soit un budget de 300.000 euros, pris en charge pour moitié par la Région, dans le cadre d’un appel à projet, par la fondation GRDF et puis par l’APES 24, sur ses fonds propres. Et puis, plus ardu, dans le même temps, il a fallu convaincre l’administration pénitentiaire d’ouvrir ses portes à la réalité virtuelle. Plusieurs demandes déposées par différentes structures auraient été refusées.
Mais à Mauzac, c’est donc chose faite depuis le mois de juin. Des détenus, dès lors appelés stagiaires, se forment aux bases de la mécanique auto via des cours théorique et puis via la réalité virtuelle. Cette technologie, c’est ce qui a attiré Rico. Lui ne connaissait rien ou pas grand-chose à la mécanique. Aujourd’hui, il réalise une vidange en deux temps trois mouvements, dans le monde virtuel comme dans la vraie vie.
“Une fois que vous le voyez en virtuel, vous arrivez à savoir où sont positionnées les pièces, quels outils utiliser, comment on fait pour réussir à démonter telle pièce ou telle pièce. Et quand vous l’avez fait en virtuel, vous savez le faire en vrai. Il n’y a pas les difficultés des écrous qui cassent, de la dureté, de la fatigue, mais vous savez où aller et comment faire. Là franchement, je suis content parce que même pour moi après, même si je ne devenais pas mécano, je saurais au moins faire les choses.” Rico, détenu formé via le projet Immersif Auto.
Rico, comme les 5 autres stagiaires du moment, passera son examen en février prochain. Mais que l’on s’entende bien, il aura bien eu d’ici là les mains dans le cambouis, et ce, pendant plusieurs semaines puisque la formation en VR s’accompagne nécessairement de stages pratiques. Et là, c’est au garage de l’AFAC 24, association d’insertion à Bergerac que ça se passe. Le tout sous la houlette d’Hubert Clabaut, formateur au sein du garage.
“J’appréhendais un peu et en fin de compte, c’est une bonne formation. Quand ils arrivent, ils savent déjà les bases. Après mettre en pratique, ils voient que ce n’est pas pareil qu’avec le joystick et la réalité virtuelle, mais c’est bien fait, c’est très bien fait.” Hubert Clabaut, formateur au sein du garage de l’AFAC 24.
Hubert qui concède même que grâce à la réalité virtuelle, l’apprentissage est bien plus rapide.
Le dispositif « Immersif Auto », s’il connaît encore quelques ajustements, semble répondre pleinement aux attentes de ses concepteurs qui imaginent déjà étendre cette formation en réalité virtuelle à d’autres profils, telles que les personnes qui sont dans l’impossibilité de se déplacer, celles qui sont privées d’accès à internet ou simplement les personnes qui souhaitent se perfectionner.